Magazine Surface Vol. 41 No 1

VOL. 41 NO 1 12 VOL. 41 NO 1 13 DOSSIER actuel en rapport avec ce changement normatif? Mohamad-Ali Daoui : Il n’y a pas eu, pour le moment, de bilan spécifique concernant ce changement. Les employeurs doivent s’assurer que l’exposition aux poussières de silice respecte la valeur d’exposition admissible (VEA) de l’annexe I du Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST). Pour les chantiers de construction, depuis le 8 juin 2023, des changements réglementaires au Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC) sont en vigueur. Ces nouvelles dispositions mentionnent les mesures minimales qui doivent être mises en place pour prévenir l’exposition des travailleurs et travailleuses aux poussières de silice cristalline et ainsi respecter la VEA de l’annexe I du CSTC. Pour en apprendre plus sur ces changements, vos lecteurs peuvent consulter la sous-section 3.25 du CSTC et le nouveau guide pratique sur les mesures de prévention requises pour la silice sur les chantiers de construction. Cela dit, hormis le secteur de la construction, les secteurs d’activité à risque d’exposition aux poussières de silice cristalline sont principalement les fonderies, le travail de la pierre et les mines-ou carrières. Dans tous ces secteurs, les inspecteurs de la CNESST interviennent pour des dossiers relatifs à la silice, souvent avec la collaboration du Réseau de santé publique en santé au travail (RSPSAT). Ces interventions visent à soutenir ces milieux et à s’assurer que les travailleurs ne soient pas surexposés à la silice cristalline. Pour le secteur du travail de la pierre, un document en cours de révision, traitant des mesures de prévention, est accessible en ligne. La CNESST a ciblé des dangers à conséquences graves (tolérance zéro) qu’il faut éliminer pour réduire le nombre de lésions dans les milieux de travail. La silice cristalline est une cible de tolérance zéro. Un employeur qui n’applique pas les mesures de prévention requises s’expose à un arrêt des travaux et est passible de poursuites pénales (constats d’infraction). Surface : Quelles sont ces maladies et conditions? M.-A. D. : L’exposition aux poussières de silice peut entraîner la silicose, une maladie pulmonaire irréversible. Cette affection provoque des troubles respiratoires progressifs, allant de l’essoufflement à l’effort à une insuffisance respiratoire sévère, dont les complications peuvent être mortelles. Il existe une période de latence, parfois très longue, entre l’exposition à la silice et l’apparition des premiers symptômes. De plus, comme ces symptômes ne sont pas spécifiques de cette maladie, la silicose peut passer inaperçue jusqu’à un stade avancé. Les travailleurs atteints de silicose sont également à risque de développer la tuberculose, la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), le cancer du poumon et certaines maladies auto-immunes comme l’arthrite rhumatoïde. Surface : Aux États-Unis, une grande partie des travailleurs affectés par la silice cristalline serait d’origine étrangère. Est-ce le cas ici également? M.-A. D. : Nous n’avons pas cette information pour le Québec. Tout travailleur qui effectue des travaux tels que le sciage, le meulage, le ponçage, le bouchardage, le cassage au marteau-piqueur ou le perçage sur des matériaux contenant de la silice, et pour lesquels aucune mesure de contrôle n’est mise en place, devient à risque d’être surexposé à la silice. Ainsi, tout travailleur, sans égard à sa provenance, effectuant ce type de travaux sans mesures de prévention est susceptible d’être affecté par la silice. Surface : L’APR représente-t-il la solution ultime? M.-A. D. : Non, pas du tout. Le choix des mesures à mettre en place doit se faire en privilégiant la hiérarchie des mesures de prévention. L’appareil de protection respiratoire (APR) représente la dernière étape de cette hiérarchie. Un APR est requis si la concentration de poussières de silice cristalline excède la VEA malgré la présence de contrôles techniques (p. ex. aspiration à la source, abattement par l’eau). Le port de l’APR ne peut pas être la seule mesure de prévention mise en place. À noter que sur un chantier de construction, en complément des mesures de contrôle technique, l’APR est requis pour les travailleuses et les travailleurs présents dans l’aire de travail où s’effectuent les tâches suivantes : sciage, meulage, ponçage, bouchardage, cassage avec un marteau-piqueur, forage en milieu confiné et perçage. Surface : On note que l’article 104 du RSST impose l’inspection, au moins une fois par année, des systèmes de ventilation mécanique. Cela semble faible comme mesure. Le seuil obligatoire ne devrait-il pas être revu sur la base du haut taux d’empoussièrement des aires de travail? M.-A. D. : Pour éviter l’empoussièrement, il est nécessaire de nettoyer régulièrement l’aire de travail en utilisant un procédé humide ou une aspiration munie d’un filtre HEPA. En cas de fort taux d’empoussièrement, il est important de s’interroger sur l’efficacité et le bon fonctionnement du système de captation utilisé. Tout équipement utilisé ou installé dans un établissement pour prévenir l’émission de de poussières doit toujours être en état de fonctionnement et doit fonctionner de façon optimale pendant les heures d’exploitation de l’établissement de manière à assurer le rendement pour lequel il a été conçu. De plus, les filtres et les composants des systèmes de ventilation devraient être changés selon les recommandations des fabricants afin d’assurer une utilisation optimale. Surface : De quelle manière, par quels canaux, le changement de normes d’avril 2024 a-t- été communiqué aux principaux intéressés? M.-A. D. : Les inspecteurs de la CNESST et nos partenaires tels que les associations patronales et syndicales, le RSPSAT et les associations sectorielles paritaires (ASP) jouent un rôle important dans la diffusion de l’information. Divers articles sur le sujet sont publiés dans notre magazine Prévention au travail. Il y a également diverses conférences, par exemple au GRV, qui ont permis d’informer les milieux concernés. Le site internet de la CNESST fait également la promotion de ces changements. De plus, cette information se trouve dans l’onglet réglementation de la fiche sur la silice cristalline (quartz) du répertoire toxicologique de la CNESST. Surface : Une date de révision des normes est-elle d’ores et déjà planifiée, sur la base des résultats qui seront observés depuis l’an dernier? M.-A. D. : La valeur d’exposition à la silice a été changée récemment pour une entrée en vigueur depuis le 28 avril 2024. Pour le moment, la révision des exigences pour la silice n’est pas inscrite dans la planification des travaux réglementaires 2024-2027. La CNESST suit la situation de près et détermine des actions en fonction des divers enjeux rencontrés. En collaboration avec nos partenaires, nous analysons les données recueillies sur le terrain afin de déterminer les principaux risques et les secteurs nécessitant une attention particulière. Des inspections régulières sont menées pour s’assurer que les normes de sécurité sont respectées et que les travailleurs sont protégés. Surface : Selon la fiche Tolérance zéro de la CNESST, les fautifs sont passibles de poursuites pénales. À ce jour, combien d’infractions recensées? Combien de travaux interrompus? M.-A. D. : La CNESST a signifié 150 constats d’infraction relativement aux articles 3.25.4 et 3.25.6 du Code de sécurité des travaux de construction (CSTC) et ce, pour la période de juin 2023 (entrée en vigueur des dispositions) à décembre 2024. Notez cependant que des constats d’infraction, en lien avec la poussière de silice cristalline, peuvent avoir été émis et signifiés conformément à d’autres dispositions d’une loi, mais non propres à la silice cristalline. Cependant, les systèmes de classification ne permettent pas de répertorier cette information. À noter : de juin à décembre 2023, la CNESST dénombre 57 décisions (fermeture des lieux, arrêts des machines, apposition de scellé) liées à la poussière de silice cristalline. Les données de 2024 seront disponibles au courant du mois de mars 2025. Surface : Au Québec, à quoi ressemble le portrait en termes de lésions professionnelles ou de décès liés à la silice pour les cinq dernières années? M.-A. D. : Voici le nombre de décès acceptés liés à la silice pour les années suivantes : 2019 : 2 2020 : 3 2021 : 2 2022 : 7 2023 : 6. Il importe de préciser que l’extraction des données lésionnelles en lien avec la silice se fait en utilisant deux ans de maturité après l’année de survenance de la lésion afin de tenir compte de l’ensemble du processus d’admissibilité entourant les maladies professionnelles pulmonaires. Ainsi, voici le nombre de lésions professionnelles acceptées liées à la silice pour les années 2018 à 2022 : 2018 : 22 2019 : 24 2020 : 15 2021 : 18 2022 : 13.

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